CEPRID

Chine : les vieux révolutionnaires se positionnent sur l’actuelle multiplication des grèves des travailleurs

dimanche 8 août 2010 par CEPRID

par Li Chengrui, Xiantian Gong, Han Xiya, Rixin Liu y Zhao Guangwu

CEPRID

Traduit par Julio Fucik, puis par Danielle Bleitrach pour changement de société

Note du CEPRID : On a essayé de donner une image des grèves ouvrières en Chine ayant une similitude avec ce qui s’est passé en Pologne dans la décennie de 1990. Rien de plus loin de la réalité. La bourgeoisie et ses « médias » mettent en avant l’image de quelques « syndicats indépendants » similaires à « Solidarité » en Pologne. On ne se donne pas la peine d’expliquer ce que les travailleurs chinois veulent ni quelle est la direction de leur mouvement. Et, bien sûr, ils ne rapportent pas les initiatives du type de celles que nous présentons et qui va dans la ligne de ce que, modestement, ce centre publie sur la Chine, les luttes ouvrières et paysannes et le nouveau rôle géostratégique de ce pays.

(CEPRID)

J’ajouterai que ce texte s’il n’est pas représentatif selon moi de la majorité de la Chine n’est pas sans écho non plus. Si on lit le journal officiel du Parti on ne peut manquer d’être frappé par des thèmes récurrents assez proches de ceux-ci. Il est clair par ailleurs que la population chinoise manifeste de plus en plus d’intolérance face à la corruption, aux inégalités sociales et même l’orientation nouvelle prise de développer un marché intérieur et de ne plus subir le tout à l’exportation (thème soulevé dans l’article) va dans le même sens. Oui nous sommes très loin de ce qui est dit en occident. (Note de Danielle Bleitrach)

Défendre la Constitution, respecter et garantir les Droits humains, appuyer la juste lutte des travailleurs de Honda et condamner la gestion inhumaine de Foxconn

Pour

le Secrétaire Général Hu Jintao et les membres du Comité central du Parti

le Président Wu Bangguo de l’Assemblée Populaire

le Premier Ministre Wzn Jiabao et les membres du Conseil d’État


Compatriotes de toute la Chine et de tous les moyens de communication : De nombreux incidents se sont récemment produits dans notre pays qui marquent l’intensification des contradictions sociales. Selon des rapports de presse, Foxconn avec un siège à Shenzhen et son centre à Taïwan, a traité les travailleurs comme des machines (ou pire, seulement comme des pièces détachées). Pour générer des bénéfices pour l’entreprise, elle a institué un système inhumain de gestion qui détruit la santé et l’esprit des travailleurs de telle manière que certains d’entre eux ont considéré que cela ne valait plus la peine de vivre. Treize travailleurs de cette entreprise se sont suicidés dans une courte période. Leur mort tragique brise nos cœurs. C’est une situation qui a bouleversé le monde. Avec une base à Foshan, Guangdong, Honda Auto Parts Manufacturing Co. Ltd. est une compagnie de propriété japonaise. Alors que le propriétaire capitaliste a obtenu d’énormes gains, les salaires sont trop bas pour garantir la survie des travailleurs et le syndicat de l’entreprise s’est mis en grève en revendiquant des augmentations salariales et pour commencer la réforme du syndicat. Cependant, l’administration japonaise a seulement accédé à une petite augmentation de salaire, loin de ce que les travailleurs demandaient. De plus, sans justification la direction a exigé des travailleurs qu’ils signent un engagement à « ne pas faire la grève » et elle a menacé de renvoyer ceux qui la rejoignaient. On a même tiré, sur deux leaders des travailleurs.

D’autres incidents [qui apparaissent] dans les médias montrent aussi de plus grands conflits entre le capital et le travail. Des travailleurs de la chaîne d’engrenage Chongqing Qijiang Co. Ltd ont été obligés de travailler un nombre extraordinaire d’heures durant les weekends et sont morts d’excès de travail. L’épuisement à long terme, les bas salaires et la corruption ont amené les travailleurs à faire grève. Près de 1.700 travailleurs de Taisheng Furniture Company, avec son siège à Dongguan, une province de Guangdong, ont fait une grève de trois jours pour protester contre l’excès de stress et les bas salaires. Plus de mille travailleurs de la fabrique de pièces de rechange qui approvisionne Hyundai, à Beijing, se sont mis en grève pour exiger une augmentation de salaire. Les travailleurs de l’entreprise Lanzhou vinylon se sont mis en grève parce qu’ils ne peuvent même pas compter sur un minimum vital. Dans la ville de Datong (province de Shanxi), l’entreprise de propriété étatique Xinghuo, de produits pharmaceutiques, s’est vue obligé de se déclarer en faillite et ses travailleurs licenciés ont vu leurs nombreuses demandes repoussées plusieurs fois. Après cela, plus de 10.000 personnes ont fait le siège de l’édifice du gouvernement municipal, certains d’entre eux ont été frappés par des policiers armés. Des travailleuses dans une grève à Pingdingshan, une entreprise de coton et de filages (province de Henan), ont été brutalement frappées par des durs amenés par des véhicules de police, en provoquant des blessures chez plusieurs d’entre elles. A Shenzhen, des travailleurs qui prenaient l’initiative de revendiquer ou cherchaient à protéger les droits des travailleurs [sur le logement], ont été mis sur des listes noires, ce qui rend difficile ensuite la recherche d’un emploi. Ce ne sont que certains des incidents récents qui illustrent l’ampleur du problème.

Dans l’ensemble, la bourgeoisie a transféré la charge de la crise économique sur les travailleurs et a lancé une attaque plus féroce contre ceux-ci. La classe travailleuse se voit obligée de se dresser et de résister. Mais à mesure que les travailleurs ont été convertis en un groupe social faible ces dernières années, et en les privant des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution de notre pays, ils se trouvent dans la triste situation pour laquelle leurs morts restent sans réponse, leurs grèves, leurs plaintes ne sont pas écoutées. Conformément à la Constitution de notre pays, en particulier les quatre principes basiques et les droits fondamentaux reconnus aux citoyens, nous faisons l’appel suivant pour faire face à l’actuelle situation et ses problèmes (1).

En premier lieu, nous sommes convaincus qu’il faut appuyer les travailleurs de Foshan Honda et d’autres fabriques dans leur lutte pour la survie et contre l’oppression. L’article 33 de la Constitution de notre pays dit que « l’État respecte et garantit les droits de l’homme ». Le droit de grève est une partie inséparable des droits de l’homme et est aussi un droit fondamental établi par les constitutions civiles du monde. Nous appuyons fermement toutes les demandes raisonnables que les travailleurs de Honda ont émises pour changer leurs dures conditions de travail et de bas salaires. Nous nous opposons catégoriquement à la menace de la direction de renvoyer les travailleurs. Les deux leaders qui ont été renvoyés doivent être immédiatement rétablis dans leurs postes de travail.

Nous croyons que notre demande sera appuyée par tous ceux qui défendent l’autorité de la Constitution, le respect des droits de l’homme, et ont confiance en la justice.

En deuxième lieu, nous devons exiger de Foxconn et d’autres entreprises similaires qu’ils arrêtent immédiatement leurs méthodes dures et inhumaines d’exploitation. Nous exigeons que l’on respecte l’intégrité des travailleurs, qu’on les traite avec dignité, que les lois de l’état soient respectées, que soient améliorées les conditions de travail, que s’applique avec rigueur une journée de 8 heures de travail et que les travailleurs soient rétribués pour leurs heures supplémentaires. Il doit être garanti que les salaires soient suffisants pour la survie et la reproduction de la force des travailleurs. C’est la seule manière d’alléger les conflits entre le capital et le travail et de réduire ou de prévenir les « problèmes dénommés psychologiques ». On a su par les médias que ceux qui se sont aussi suicidés avaient des signes de lésions corporelles causés par des coups. On s’interroge aussi sur le manière dont l’un d’entre eux a été poussé [depuis une fenêtre] hors du bâtiment. Cela déjà, en soi, implique une recherche pénale. Les organismes gouvernementaux devraient traiter cette affaire sérieusement et aboutir à la vérité.

En troisième lieu, les syndicats doivent clairement être du côté de la classe ouvrière pour la représenter et pour défendre ses intérêts selon ce qui est prescrit par la Constitution. Si une organisation syndicale passe outre la Constitution et agit en faveur de l’entreprise, elle doit être méprisée par la classe ouvrière. Les dirigeants du syndicat dans chaque entreprise doivent être démocratiquement élus par les travailleurs. Des parents et des représentants des chefs ne devraient pas pouvoir occuper des postes dans le syndicat. Si ce cas existait, il ne doit pas être approuvé aux niveaux supérieurs du syndicat. Sur chaque lieu, il faudrait aider à ce que le syndicat d’entreprise organise une réunion de tous les membres et qu’il soit reconstruit au moyen des élections démocratiques. En quatrième lieu, le Gouvernement, à tous les niveaux, en particulier celui du gouvernement local, doit protéger les droits civiques en suivant strictement la loi, en résolvant sincèrement les conflits capital–travail et en garantissant la liberté d’expression des citoyens. Le gouvernement doit administrer conformément à la loi et empêcher les incidents qui violent les droits civiques basiques prévus dans l’article 33 de la Constitution et d’autres normes annexes. Il faut activement traiter les cas de conflit capital–travail conformément à la loi. Ignorer les demandes des travailleurs par inaction ou se mettre du côté de l’entreprise doit être une attitude résolument corrigée. Pour garantir le droit du peuple à l’information et au contrôle, il doit être permis que les moyens de communication informent librement et avec vérité sur les conflits capital-travail, les cas particuliers et qu’il y ait tous types d’opinions sans obstacles, ni interférences.

En cinquième lieu, nous lançons un appel pour le rétablissement de la classe ouvrière comme la classe dirigeante de notre pays et le rétablissement de la propriété publique socialiste comme le pilier de notre économie nationale. L’article 1 de la Constitution de notre pays établit que « La République populaire de Chine est un État socialiste dirigé par la classe ouvrière sur la base d’une alliance ouvriers-paysans ». L’article 6 dit que « la base de l’économie socialiste de la République populaire de Chine est la propriété publique socialiste des moyens de production, c’est-à-dire la propriété collective de toutes les personnes et des travailleurs ». Dans la phase primitive du socialisme, l’État doit construire un système économique avec la propriété publique comme pilier [fondamentale] et le co-développement de l’économie à travers différentes formes de propriété. La distribution devrait être basée principalement sur chacun selon son travail, avec la coexistence d’autres méthodes de distribution. Le Parti communiste de Chine doit être la vraie avant-garde de la classe ouvrière, renforcer son leadership comme l’organisation politique du peuple et la dictature démocratique. Nous lançons un appel pour le rétablissement de la propriété publique comme la partie principale de l’économie nationale. Seulement de cette façon, les travailleurs, les paysans peuvent et le peuple en général, être maîtres des entreprises et du pays et réellement mettre en pratique un système de distribution principalement basé sur la contribution du travail. Actuellement, il est indispensable d’améliorer les conditions de travail et d’augmenter les salaires et les bénéfices de l’économie privée (financée par les investissements nationaux et étrangers). Il est complètement juste d’appuyer activement les luttes ouvrières en ce sens. Cependant, dans la mesure où l’économie capitaliste de propriété privée domine plus que l’économie socialiste de propriété publique, la classe ouvrière ne peut pas changer sa position de faiblesse dans les structures d’exploitation, ni le système de distribution injuste et les disparités entre riches et pauvres. Dans ces conditions, il est également impossible de transformer notre économie orientée à l’exportation en une autre qui serait indépendante, auto-suffisante et chercherait à satisfaire les nécessités matérielles et culturelles des personnes du pays.

Sur la base des conditions actuelles, c’est seulement au travers d’une lutte à long terme que la classe ouvrière peut restaurer sa position de leadership et l’économie nationale peut se transformer en une autre basée principalement sur la propriété publique. Nous comptons sur le guide du marxisme–léninisme, la pensée de Mao Zedong, et nous avons la Constitution, en particulier son noyau des quatre principes basiques, pour construire notre instrument juridique. Tous les membres du Parti communiste et toutes les personnes doivent honorer la Constitution. La modernisation socialiste que nous défendons s’adapte à l’intérêt de la plus ample gamme de personnes et entretient une correspondance avec le développement historique de l’humanité. Si toutes les personnes qui appuient le socialisme, aiment leur pays et s’accordent avec la Constitution en étant unies et persistent en ce sens, par une lutte à long terme, nous pourrons atteindre notre but.

Les signataires :

Li Chengrui (Ex-Directeur du Bureau de la Statistique de l’État)

Xiantian Gong (Professeur de l’Université de Beijing)

Han Xiya (Ex-Secrétaire Suppléant du Secrétariat de la Fédération la Chine de Syndicats)

Rixin Liu (ex-enquêteur dans la Commission Étatique de Planification)

Zhao Guangwu (Professeur de l’Université de Beijing)

Note :

(1) Les quatre principes basiques incluent le socialisme, la dictature démocratique populaire, la direction du Parti communiste, et le marxisme–léninisme associé à la pensée de Mao Zedong.


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