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La gauche en inde (II) : jusqu’à la perte de l’identité
lundi 10 novembre 2008 par CEPRID
Alberto Cruz CEPRID
traduit par Danielle Bleitrach http:// socio13.wordpress.com/
L’Inde est un des rares pays au monde où aujourd’hui le terme “marxiste” est synonyme sans équivoque de gauche. Pas de “nouvelle gauche”, ni de “socialisme du XXI e siècle” ni d’euphémisme semblable qui ont tant de succès - sans entrer dans des considérations à propos de ce qui existe derrière les dites étiquettes- en Europe ou l’Amérique latine, pour prendre un exemple. En Inde tout le monde sait que les marxistes sont ceux qui pendant des années ont maintenu dressé le drapeau de la politique sociale, de la lutte contre les multinationales, de la défense à outrance du secteur public, de la réforme agraire, de l’éducation gratuite… … et ce depuis deux pôles totalement opposés : le légal, représenté basiquement par le Parti communiste de l’Inde et le Parti communiste de l’Inde (marxiste), et la lutte armée, avec à sa tête le Parti communiste de l’Inde (maoísta) et le Parti communiste Marxiste – léniniste de la Guerre Populaire.
La lutte armée est en essor et se développe dans 14 de 28 états de l’Inde, avec une implantation inégale de la guérilla mais qui s’est déjà converti en un phénomène de portée nationale (1) et ceci dû à trois facteurs : l’unification des différentes organisations maoïstes, la crise économique et la détérioration de l’image de la gauche parlementaire pour ses pratiques politiques dans les quatre dernières années, spécialement à la suite de la répression d’un mouvement populaire contre l’installtion d’une Zone Economique Speciale dans la localité de Nandigram le 14 mars 2007. Ce jour-là 14 paysans sont morts quand la police a réprimé leur manifestation , et c’était un mouvementen plein essor, depuis qu’en décembre 2006 le gouvernement avait annoncé son approbation de la ZEE.
Nandigram est situé au Bengale Occidental, un état qui est gouverné par le Front de gauche, sous l’hégémonie du Parti communiste de l’Inde (marxiste) depuis 30 ans. Dans son périodique “une Démocratie populaire”, le PCI a justifié la répression en arguant qui c’étaient les paysans qui avaient commencé les attaques contre les militants du PCI(m), en tuant certains d’entre eux, et en affrontant maintes fois la police, alors qu’ils refusaient d’ accepter l’accord que le gouvernement du Bengale (2) leur proposait. Des mois plus tard, dans un rassemblement de masses dans le même lieu le premier ministre a accusé les maoístes d’être derrière les mobilisations paysannes réprimées en mars, il a défendu la ZEE comme ” un impératif du développement” et a dit à ses militants que la création de nouvelles industries n’allait pas affaiblir l’agriculture, un terrain sur lequel le PCI (m) a toujours été à l’avant-garde dela lutte, mais qu’il allait désormais consolider et agrandir (3).
Cependant, la répression de Nandigram commence à être considérée comme le début de la fin de la gauche parlementaire, telle qu’elle a été connue jusqu’à présent. Les dalits, les intouchables dans le système indien de races, se sont retournés vers les maoístes ; les pauvres paysans aussi. Il faut se rappeler qu’en Inde quatre cinquième de la population vit avec un peu plus d’un euro par jour. Et bien qu’ils soient peu nombreux, une partie significative des intellectuels réclame aux maoístes la formation d’un nouveau front, de caractère indubitablement révolutionnaire qui romprait avec l’inertie d’une gauche traditionnelle qui se trouve chaque fois plus prise dans des cas de corruption et qui assume avec une rapidité indécente les objectifs sociiaux -démocrates afin de conserver le pouvoir. La gauche indienne, indubitablement marxiste, qui a survécu et même a étendu son influence après l’écroulement de l’Union soviétique et a conservé pratiquement intact son capital moral et intellectuel, voit maintenant sérieusement abîmée sa crédibilité.
De l’avant-garde …
Il n’en a pas toujours été ainsi. Le PCI (m) dispose d’une longue tradition de gouvernement dans quelques états de l’Inde, du Bengale Occidental comme principal référant. Cet Etat de 80 millions d’habitants, a un gouvernement communiste depuis 1977- le PCI(m)a l’hégémonie sur le Front de gauche, qui compte avec un total de 235 députés sur les 294 de l’Assemblée du bengale Occidental, sur les 235 députés de la coalition 176 sont du PCI(m)- et il est considéré comme l’Etat modèle pour la gestion de gauche, ausi comme la lunette à travers laquelle doit être regardée la gauche parlementaire indienne.
Dans cet Etat, il y a eu une réforme agraire pour la première fois en Inde, avec une redistribution de la terre, avec redistribution de la terre en jachère et une plus grande protection de la possession de terre aux paysans, une carte de citoyenneté a été octroyée aux migrantes illégaux du Bangladesh et la participation populaire a été promue au travers de quelques institutions connues comme les panchayats qui ont pour mission de mettre en application et contrôler les problèmes de terres, entre autres. Il a été présent au côté des travailleurs, ruraux et urbains, des femmes et des marginaux dalits plus que dans tout autre Etat de l’Inde et a été expérimenté une croissance économique basée sur les petits producteurs dans lequel ceux-ci jouent un rôle important pour ne pas dire le plus important.
Il a aussi eu ses problèmes : le chômage, qui frappe toujours plus la population, la stagnation de l’alphabétisation et l’éducation et ce qui est plus significatif, l’augmentation des inégalités de l’accès à l’éducation entre les homme ou les femme, suivant que l’on appartient à l’une ou une autre classe sociale social (en fait il faudrait parler plutôt de caste) ou que l’on est originaire de telle ou telle région du Bengale. Cela a fait que malgré le fait que l’appui électoral à la tête de la gauche n’a pas cessé de croître jusqu’à 2006, les secteurs plus politisés de la population ont été commencés à voir la guérilla naxalita comme le référant révolutionnaire. A côté du Bengale Occidental, le Front de gauche gouverne quatre autresétats : Kerala, Tripura, Tamil Nadu et Manipur. Dans les deux premiers, le PCI(m) est la force dominante tandis que dans les deux autres il est minoritaire.
Ce fut au Kerala (32 millions d’habitants) où les communistes indiens formèrent pour la première fois un gouvernement en 1957 et ce d’une manière intermittente jusqu’à ce en 1966 ils ont réussi à recommencer à gagner dans les élections, la victoire s’est répétée répétant jusqu’àaujourd’hui, où ils représentent 61 des 140 députés du Front de gauche, qui gouverne avec une majorité absolue. Leur principale réussite est l’éducation, en faisant de cet état le premier de l’Inde qui a les meilleurs performance d’éducation de tout le pays, tant dans le primaire comme dans le secondaire. Cela, uni au fait qu’il s’agit de l’état indien avec le plus bas pourcentage de mortalité infantile, a fait du Kerala pratiquement une île dans l’Inde : c’est à peine s’il y a une industrie, puisque les capitalistes ont abandonné l’état devant la vigueur des syndicats, protégés par le gouvernement, et cela a fait que Kerala est aujourd’hui le paradigme de l’égalitarisme social : un salaire minimal décent, un système de distribution très efficient dans les magasins de toute espèce avec des articles aux prix subventionnés et une réforme agraire qui a distribuée la propriété des grands propriétaires fonciers entre un million et demi de paysans locataires.
A ctuellement au Kerala le débat porte sur les Zones Economiques Spéciales que le gouvernement central veut imposer à toute l’Inde. Le gouvernement admettra ” un certain degré d’industrialisation”, bien que il ne sache toujours pas de quel type etsi ce sera à l’intérieur d’une ZEE ou non. De plus, comme s’il s’agissait d’un programme expérimental, il permet aux entreprises basées dans l’état, des critiques sur le caractère “excessif” de la lutte syndicale et des revendications permanentes des travailleurs, il les laisse importer une main-d’oeuvre d’autres états et ainsi échapper à ces ennuis syndicaux. Dans cet état le PCI (m) connait une importante lutte interne entre ceux qui sont partisans d’une politique économique plus “ouverte et libérale” comme le secrétaire général Pinarayi Vijayan, et ceux qui considèrent qu’il faut maintenir l’attitude traditionnelle d’appui principal aux agriculteurs, aux secteurs populaires et de manière spécifique aux adivasis (indígenes) qui seraient les principales victimes de l’industrialisation..
L’autre état gouverné par le Front de gauche avec une majorité absolue est Tripura (3 ‘ 5 millions d’habitants). Le PCI (m) y dispose de 46 sièges sur les 60 de la coalition. Et il participe dans la minorité, commeil a été dit, au gouvernement du Front de gauches dans les états de Tamil Nadu (65 millions d’habitants), où il a 9 députés sur total des 264 qu’ a la coalition, et dans Manipur (2 ‘ 5 millions), bien qu’ici iln’ait pasde représentation parlementaire.
…à la perte d’identité
La gauche indienne a vécu longtemps sur la crête de la vague. Tant qu’elle est apparue indispensable quand, dans les élections de 2004, elle a obtenu son meilleur résultat électoral dans toute l’histoire de l’Inde, avec 60 siège dans le Lok Sabha (Chambre du Peuple) - 44 ont été obtenus par le PCI (m) et 10 par le Parti communiste de l’Inde - et cela lui a permis de négocier avec l’Alliance Progressiste Unie, formée par trois partis centristes ayant à leur tête le Congrès National de l’Inde (qui dispose de 145 sièges sur un total de 182 obtenus par la coalition), un programme minimal qui a permis à l’APU de former un gouvernement a permis à l’APU en recevant l’appui extérieur c’est-à-dire sans aucune représentation dans le gouvernement, du Front de la gauche . Ce programme minimum n’était pas révolutionnaire, mais établissait un agenda social démocrate de grande portée : augmentation du budget public pour aider la population rurale pauvre, amélioration du rôle des femmes, approbation d’une loi sur les forêts, abolition du travail infantil, dérogation sur la loi antiterroriste et élaboration d’une autre plus juste,etc… En même temps, après avoir appuyé le gouvernement sans y participer le Front de gauche, a pu bloquer la privatisation des entreprises les plus rentables du secteur public, de télécommunications, d’aviation civile et l’entrée du capital financier spéculatif dans les fonds de pensions, pour donner un exemple.
Dans la politique extérieure, le Front de gauche a accepté la position de l’UPA visant à améliorer la relation avec les EU “chaque fois que l’indépendance de l’Inde se maintenait sur toutes les questions régionales et mondiales”, ce qui a permis que l’Inde n’envoie pas de troupes en irak en 2003, comme le demandaient les Etats-Unis, et se soient accordé sur la construction d’un gazéoduc avec l’Iran au travers du Pakistan. Cependant, à la suite de Nandigram le gouvernement central indien a su à mettre à profit la perte de crédibilité de la gauche parlementaire pour s’échapper du programme minimal et pour lancer une offensive neoliberal sur le plan interne et sur le plan extérieur. Mais le primordial de l’histoire est aussi ce qui a déchaîné l’histoire de Nandigram : la création de 339 Zones Économiques Spéciales, grâce aux dégrèvements fiscaux qui font que les entreprises ne paient pas d’impôt, quces zones jouissent des avantages fiscaux et économiques pour favoriser la productivité et où on peut éluder la législation normale du pays en matière de travail,de syndicat et d’environnement avec l’objectif d’attirer des investisseurs locaux et étrangers. En ce moment en Inde il y a déjà 40 ZEE en fonctionnement et la gauche parlementaire est clairement à la défensive sur ce terrain ou, comme dans le cas du bengale Occidental, en parlant des “impératifs du développement”. En second lieu, l’histoire vient d’avant, de l’année 2006 pour être exact. Cette année là le gouvernement central indien a signé un accord Cadre de Défense avec les Etats-Unis en vertu duquel les deux pays passeraient un accord pour être alliés stratégiques et s’affronteraient directement à la Chine en rélisant des manoeuvres militaires conjointes, spécialement navales, en encerclant les routes maritimes utilisées par les Chinois. Si même le Front de Gauche s’est opposé à cet accord, , il n’a à aucune moment projeté de renverser le gouvernement qui était au pouvoir depuis seulement une année et il a simplement laissé faire.. A partir de là il s’est vautré dans la boue de l’approbation de l’accord nucléaire avec le gouvernement de l’APU en mettant à profit le désordre d’amples secteurs de la gauche, spécialement chez les intellectuels, à la suite de Nandigram.
Il n’est pas étonnant, par conséquent, que le PCI (m) consacre une grande partiede sa production théorique de ces derniers temps à critiquer les intellectuels qui ont critiqué, à leur tour, le parti quant à Nandigram. “Le phénomène de quelques intellectuels qui jusqu’à un hier étaient avec la gauche contre le fascisme commun et maintenant ils se sont retournés contre le parti requiert une analyse sérieuse”, a dit l’organe principal des communistes bengalis (4). Et il le fait avec un argument qui est familier en occident nous est familier : il accuse “la majorité” de ces intellectuels d’être anti-la gauche organisée” spécialement anti-communiste et, en particulier anti PCI (m) “de former une partie” des rangs des “sympathisants naxalites” et d’être entre autres choses des “populistes”.
Il y a un avant et une après Nandigram pour la gauche parlementaire indienne.Rien ne sera pareil. . D’une côté parce que la base traditionnelle des communiste indiens est en train de voir avec toujours plus de sympathie les naxalite ; d’une autre côté, parce que l’intelligentzia indienne plaide ouvertement pour la création d’un nouveau front de gauche révolutionnaire qui serait dirigé par las naxalites. Et s’il faut en croire les sondages, elles n’annoncent pas de temps propices pour la gauche parlementaire indienne puisque sur les 60 sièges qu’elle détient actuellement elle n’en conserverait actuellement qu’entre 39 et 43 dans les élections générales de maide l’année prochaine. C’est peut-être pour cette raison, que le Front de gauche donne une impulsion à sa intervention publique, en annonçant une série de mobilisations contre la présence de bateaux américains dans des eaux indiennes pour la réalisation de manoeuvres conjointes, des manifestations totalement appuyées par les gouvernement où il a le pouvoir ( Le Bengale, Tripura et Kerala ont décrété une grève générale le 20 août en solidarité des travailleurs) les revendications, sont principalement celles des travailleurs du secteur public, qui font grève contre les politiques neoliberales du gouvernement et contre la hausse des prix, ou bien en critiquant le gouvernement central sur son mépris du parlement (en une année le Lok Sabha re a été réuni réuni 35 jours) et pour avoir refusé de convoquer la chambre pour discuter d’une motion de confiance sur l’approbation de l’accord nucléaire avec les EU le mois de juillet passé.
En même temps, le front de gauche reste ouvert à la discussion avec d’autres formations politiques pour créer une “troisième force politique” capable d’entrer en compétition avec le pouvoir avec les centristes de la APU et avec les droites du Bharatiya Janata (138députés) qui leur permettrait sinon de former de gouvernement, à tout le moins de négocier d’égal à égal avec le triomphateur des élections. Le Comité Central du PCI (m), réuni le 12 octobre passé dans Kolkata (la Calcutta ancienne, la capitale du Bengale Occidental) a décidé d’adopter une plate-forme électorale “large” avec l’objectif principal de battre l’APU pour son “alliance stratégique avec les EU et son choix de de politiques économiques antipopulaires” et au BJ qui est un parti réactionnaire. Pour cela il est disposé à élargir le Front de gauche à d’autres partis d’implation régionale et ethnique(5).En particulier, le Front de gauche projette un rapprochement avec le parti de la Société Majoritaire, une formation qui s’est constitué comme le parti des dalit et qui n’a pas eu de scrupules au moment de s’allier avec l’APU ou avec le BJ quand il a estimé que cela lui servait..
“L’histoire ne se meut pas au rythme de la justice”, disent les promoteurs de cette stratégie quand est critiqué le fait que cette alliance va se traduire par un affaiblissment des principes programmatiques de la gauche, et ils ajoutent qu’il s’agit de trouver une nouvelle manière de travailler avec ces partis pour forger une “société unie” autour d’une plate-forme de principes parce que, dans le cas contraire, “il serait suicidaire de maintenir une attitude sectaire” dans ces zones de l’Inde où les organisations de gauche sont faibles. Les élections de mai 2009 mettront en lumière l’efficacité de cette “troisième force” et si ce type de manoeuvres sert à la création d’une nouvelle dynamique politique en Inde à la marge, ou en face, des partis traditionnels. Les naxalites bénéficieront, dans n’importe quel cas, tant ue succès de cette formule comme de son échec. . Notes : (1) Alberto Cruz, “La izquierda en India (I) : la revolución naxalita” http://www.nodo50.org/ceprid/spip.php ?article278 ; la traduction de cet article a été publié sur ce blog. (2) Declaración del ministro principal, Buddhadeb Bhattacharya, en la Asamblea de Bengala Occidental el 15 de marzo de 2007. (3) Democracia Popular, 30 de diciembre de 2007. (4) Ganashakti, 17 de octubre de 2008. (5) Resoluciones del Comité Central del PCI (m), 14 de octubre de 2008. Alberto Cruz es periodista, politólogo y escritor especializado en Relaciones Internacionales. albercruz@eresmas.com
CEPRID
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