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Les mouvements de la Chine et la Russie délimitent l’espace de l’Occident

mercredi 15 mars 2017 par CEPRID

Alberto Cruz

CEPRID

L’article analyse ce qui constitue le socle inamovible des convergences entre la Chine et la Russie, limiter l’espace de toute puissance de l’occident. A ce titre il s’interesse plus particulièrment à la dédollarisation et aux relations qui partout se nouent dans le monde autour de ce mouvement. (note et traduction pour histoire et societe par danielle Bleitrach)

Chine et Russie, Russie et lChine avancent sur des chemins parallèles, mais avec une tendance croissante vers la convergence. Elles ne progressent pas sur leurs routes en se lorgnant mutuellement d’un oeil torve année après année , chaque jour qui passe les deux pays sont plus proches, et plus proche parce que les deux poursuivent le même objectif : la fin de l’hégémonie occidentale. En attendant ce moment , les étapes que se donnent les deux pays limitent l’espace dans lequel traditionnellement l’Occident se meut. Un espace mondial encore large mais dont on peut voir que les limites dans lesquelles il s’était toujours senti à l’aise -pour exercer son hégémonie vont se réduisant dans le temps .

On sait que Donald Trump a remporté l’élection présidentielle aux États-Unis et que l’un de ses premiers gestes a été de mettre l’accent sur les relations avec Taïwan et de dire qu’il ne se sentait pas impliqués dans cette » Chine unique », la thèse que défend Beijing pour réunifier le la Chine continentale et l’île. Cela est arrivé le 10 Décembre. Immédiatement, cela a été interprété comme « un pas juste dans une nouvelle stratégie pour l’Asie » des Etats-Unis, une fois qu’il a été constaté que le traité transpacifique si ardemment promu par Obama était mort (Trump a dit que les États-Unis allaient se retirer de celui-ci) et que le pivot vers l’Asie qu’ avait inventé Obama pour contenir la Chine était dissout comme un morceau de sucre dans une tasse de café. Et tout le monde, les néo-conservateurs et les démocrates soi-disant progressistes aux États-Unis, ont temporairement abandonné leurs différences sur ce point, et se sont mis à applaudir la décision de Trump.

Cependant, ces gens ont gardé les anciens paramètres, comme lorsque l’Occident faisait et défaisaitt ce qu’il voulait et tout le monde devait courber la tête. Ce n’est plus le cas et tant s’en faut. Parce que la réponse de la Chine à ce geste de Trump a été dévastateur : elle a annonce (le 12 Décembre ) qu’elle renonçait au dollar dans ses transactions financières avec sept pays : le Danemark, la Hongrie, le Mexique, la Norvège, la Pologne, la Suède et la Turquie.

Logiquement, une mesure de ce type avait déjà été discutée et décidée depuis longtemps, mais le moment où elle est rendue publique n’est pas indifférent. La Chine a riposté par vengeance. Parce que cette mesure pose que pour elle il n’ est plus nécessaire d’utiliser le dollar dans les transactions commerciales entre la Chine et ces pays, qui peuvent également commercer avec la Chine en yuan, ce qui contribuera à réduire les coûts des échanges entre eux. En outre, la Chine se penche sur la plaie européenne en lançant un accord dans lequel on retrouve des pays européens les plus vassalisés des Etats-unis (comme la Pologne) et d’autres très hargneux (comme la Hongrie). Mais le dénominateur commun de tous les pays européens avec lesquels la Chine franchit cette étape est de garder leur monnaie de sorte que dans la pratique, la monnaie unique européenne, l’euro est également affaiblie. Un avis lancé aux navigateurs à travers la moribonde UE si elle maintient sa vassalité envers les États-Unis.

Mais aussi, vous devez vous arrêter sur la Turquie, un pays de plus en plus icoupé des Etats-Unis depuis que le coup militaire a échoué en Juillet, et même si elle n’a pas encore franchi le pas du commerce avec la Russie dans leurs monnaies respectives, comme a promis Erdogan de le faire avec la Chine. Et ça a lieu alors qu’Erdogan a lancé une nouvelle menace à l’UE et aux Etats-Unis en affirmant qu’il étudie la possibilité de se joindre en « plein » à l’Organisation de coopération de Shanghai. On peut supposer qu’il n’est pas nécessaire de rappeler que la Turquie est membre de l’OTAN et que ce pays est en négociation pour adhérer à l’UE depuis plus d’une décennie, de sorte que le passage du commerce en lires turques et yuan chinois est plus qu’un simple menace.

Et vous devez vous arrêter, aussi, sur le cas du Mexique, le deuxième plus grand pays d’Amérique latine après le Brésil qui négocie avec les Chinois dans leur propre monnaie.

Si vous considérez que la Chine déjà commerce avec les autres pays BRICS (Russie, Inde, Brésil et Afrique du Sud) dans leur propre monnaie, et aussi fait la même chose avec la Corée du Sud, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis tout en maintenant des pourparlers sur la même question avec le Canada, la Nouvelle-Zélande et Singapour, la manière dont elle est en trin de limiter l’espace de l’Occident s’éclaire , plus particulièrement celui des États-Unis, qui l’a dominé historiquement. Une domination qui est précisément basés sur la prédominance du dollar,t.

A cela il faut ajouter le tournant opéré par presque tous les pays d’Asie vers la Chine en méprisant, comme cela a été dit plus haut, le TTP proposé par Obama. C’est ce que font à pas de géant deux pays, les Philippines et la Malaisie, avec lesquels la Chine a signé de succulents accords de coopération politique et économique .

Encore plus important dans ce domaine est le virage de l’Indonésie, où les investissements chinois représentent désormais 30% du total des investissements étrangers, devenant ainsi le troisième plus grand investisseur dans l’archipel après Singapour et le Japon et ce clairement aux dépends des États-Unis. La même chose pourrait être dite de la Thaïlande, où le nouveau roi a déjà annoncé sa volonté de « renforcer et élargir » les relations avec la Chine et d’accroître les échanges commerciaux entre les deux pays. Rappelez-vous que depuis Octobre le yuan ou renminbi fait officiellement partie du panier des monnaies du FMI (1), donc en plus de ces pays d’autres peuvent utiliser cette monnaie dans leurs transactions économiques et financières. Et que, depuis Janvier de cette année, la Banque asiatique dans l’investissement dans l’infrastructure accorde des prêts aux pays asiatiques en yuan, pas dollars.

Comme si ce qui précède ne suffisait pas, le World Gold Council a récemment certifié que cette année 2016 la Chine et la Russie se convertiraient, pour la sixième année consécutive en principaux acheteurs d’or dans le monde entier en augmentant considérablement leurs réserves de ce métal. À ce rythme, très probable dans cinq ou six ans, ces deux pays vont dépasser la France à l’Italie dans les réserves d’or et être en quasi parité avec ce que détient le Fonds monétaire international. Au dessus d’eux, ils n’y aura plus que les États-Unis et l’Allemagne.

La franchise inhabituelle du FMI

Tout ce qui vient d’être dit renforce l’idée que la route de dé-dollarisation de l’économie mondiale et la fin de l’hégémonie occidentale sont imparables et dans ce processus la Chine joue un rôle important avec la Russie. Dans une démonstration inhabituelle de franchise, le Fonds monétaire international a publié un rapport dans lequel il reconnaît que la Russie a résisté bien mieux que ce qu’on pouvait l’espérer aux sanctions imposées par l’Occident, les Etats-Unis et d ses vassaux européens, à la suite de la crise en Ukraine ( 2).

En bref, le FMI a déclaré que « l’économie de la Russie a absorbé les chocs et les sanctions pétrolières » que « il y a des signes d’une reprise naissante » et que pour l’année prochaine « il devrait y avoir une croissance de 1,1% » parce que l’inflation ralentit.

Elles s sont déjà loin les analyses d’il y a plus d’un an et deux dans lesquelles il a été prédit- c’était en 2014- que la Russie ne pourrait pas survivre aux sanctions, son système bancaire s’effondrerait dans les six mois. Non, non seulement il a été maintenu, mais a été renforcée.

La Russie a lancé immédiatement un système alternatif à celui de l’Ouest (SWIFT) qui s’est appelé MIR (mir, en russe, est la paix) pour les transactions financières internes (salaires, pensions, les comptes de débit et de crédit) et international depuis SWIFT est la corde avec laquelle l’Occident étrangle habituellement les peuples et les gouvernements qui résistent à ses pressions (3). Le système MIR est maintenant presque le seul qui peut être vu dans les magasins russes de toutes sortes, de la petite à la grande entreprise, ont disparu les cartes VISA ou Mastercard type occidental. Autrement dit, chaque fois circule moins le dollar et l’euro dans l’économie russe. Il est curieux de voir ceux qui font le plus d’efforts pour que ces sanctions soient levées sont ces entreprises, et non les gouvernements occidentaux.

Ce qui peut sembler anecdotique , a une grande valeur en soi car cela suppose que le rouble en sorte renforcé face au dollar et à l’euro. Aussi, si vous prenez en compte ce qui a été dit précèdement à propos de l’achat d’or par la Russie, on perçoit encore mieux que l’intention du gouvernement russe est de lier le rouble à l’or et le dissociant progressivement le dollar.

A cela il faut ajouter l’accord que l’OPEP a signé avec la Russie afin de geler la production de pétrole et ainsi de stabiliser le prix du pétrole autour de 50 $ minimum. Ce qui est arrivé en Décembre et est précédé par l’annonce russe (Avril 2016) visant à établir un prix de référence approprié du pétrole et d’aller pour se faire débrancher en douceur le mécanisme de formation des prix le plus largement utilisé dans le monde entier, Brent, qui a son origine à Londres. Alors que l’OPEP ne participe pas à cette décision,il ne peut pas l’éviter car la Russie ne fait pas partie de cette organisation et peut vendre du pétrole non seulement au prix qu’elle veut , mais dans les quantités qu’ils veulent, même si elle a toujours respecté les prix déterminés par l’OPEP et ainsi se maintient à l’accord signé.

Chine et Russie, Russie et Chine sont de plus entrain de prendre des mesures pour la dé-dollarisation de l’économie mondiale et à partir de là, fermement et sans pause, sapent la puissance de l’Occident. Bien qu’il existe des différences entre les deux pays sur les questions régionales comme le Vietnam, par exemple, leurs relations économiques et énergétiques vont se rapprochant de plus en plus vers leur grand objectif, comme en témoigne le développement croissant de leur partenariat stratégique et la grande compréhension dont ils témoignent et dont ils partagent les aspects clés de la politique mondiale. Les deux pays sont maintenant engagés dans des discussions frénétiques pour faire fusionner leur deux grands projets, la nouvelle route de la soie et l’Union économique eurasienne respectivement.

Le rapprochement entre les deux pays a la même origine : l’arrogance occidentale et en particulier celle des États-Unis. L’administration Obama a mal calculé sa stratégie, imbu comme il l’était de son arrogance habituelle. Tout ce qui est dit ou essayer de faire comme un rapprochement de l’Union européenne moribonde vers la Russie (comme les pays proposés au sein de l’UE et au-delà, la dernière Finland le 1 Décembre dernier) n’a plus rien à voir avec ce qui aurait pu être porposé il y a deux ans . La coopération entre la Russie et la Chine, la Chine et la Russie est déjà gravée dans la pierre. Ces deux pays vont établir des accords avec les États-Unis et l’UE, sans doute, mais déjà ils ne sont plus dans une position subordonnée , mais seront basés en grande partie sur leurs propres premices et intérêts. Les dernières manœuvres rusóphobiques des Etats-Unis et l’UE ne sont qu’un chant du cygne pour essayer d’éviter l’inévitable.

Chine et Russie, Russie et Chine en prenant un parti clair , cohérent et déterminé de leur position géopolitique et ne vont pas l’abandonner pour longtemps . Pour eux, l’Occident déjà n’est plus qu’une une question géographique présentant un intérêt de plus en plus international. Le XXIe siècle est clairement le siècle de l’Eurasie.

notes :

(1) Alberto Cruz, « Les mouvements de la Chine et la Russie suite à la réforme du FMI : pour accélérer le de – dollarisation » http://www.nodo50.org/ceprid/spip.php ?article2091

(2) http://www.imf.org/en/News/Articles/2016/11/29/PR16529-Russian-Federation-IMF-Staff-Concludes-Visit

(3) Alberto Cruz, « À propos du G-20 et de la critique pour leur pertinence présumée » http://www.nodo50.org/ceprid/spip.php ?article2165

Alberto Cruz est un journaliste, analyste politique et écrivain. Son nouveau livre est « The Witches of nuit. 46 Régiment « Taman » aviateurs soviétiques dans la Seconde Guerre mondiale, « édité par la collaboration d’automne avec le CEPRID.

Les commandes peuvent être faites soit ceprid@nodo50.org

libros.lacaida@gmail.com Vous pouvez également le trouver dans les librairies.

albercruz@eresmas.com


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