CEPRID

Les intellectuels et la « guerre sans fin » en Colombie

mardi 20 mai 2008 par CEPRID

Fernando Rendon 20 - V - 2008 Semanario Voz

Traduit par Danielle Bleitrach

Le peuple colombien résiste de nos jours à l’assaut global néolibéral qui consolide le pouvoir du capital financier dans ce pays et partout en Amérique Latine, accumulant des capitaux fictifs, en dépit de la détérioration de la souveraineté, de la vie des peuples et de la destruction de la nature.

La bourgeoisie colombienne –alliée du capital étasunien en crise –mène une guerre contre le soulèvement armé et contre le mouvement populaire et social, en utilisant des méthodes inhumaines de coercition. Son stratégie est celle de croître et protéger ses bénéfices, en dépit de l’appauvrissement infini, tant matériel que culturel, du peuple travailleur, fermant ainsi toute issue vers la paix.

En 2007, après un long repos, la lutte des masses se réactiva à nouveau en Colombie, s’exprimant à travers les importantes mobilisations étudiantes de mai, les marches et regroupements paysans d’octobre, les reprises de terres dans le Sud du pays par des indigènes et à travers la campagne électorale du Pôle Démocratique Alternatif (PDA) de l’opposition fin octobre.

Le contrôle sur la population, exprimé par des arrestations, tortures, disparitions, massacres, exécutions et par le soutien de la « guerre sans fin », promue par les Etats-Unis, a été une constante de l’histoire colombienne depuis la fondation de la République, soumise à un mandat bipartite, contraire à la justice sociale, la démocratie et la paix.

Le profit des multinationales nord-américaines, associées aux dirigeants politiques de notre pays, provient d’une machine de guerre bien mise au point, pour écraser les forces contestataires, soumettre par la violence le peuple colombien et imposer le retour à des formes ouvertes et « légales » d’esclavage au travail. Le congrès colombien est dans les mains de barons électoraux, parmi les lesquels 50 ont été impliqués dans des procès pénaux liés au para-militarisme (dont 23 convoqués à paraitre devant un juge). Ces caciques ont élu avec ses voix l’actuel président, aidés par des méthodes d’intimidation et fraude.

Antécédents

Le 9 avril 1948 le peuple s’est soulevé contre le gouvernement conservateur de Mariano Ospina Pérez, en réaction à l’assassinat du leader populaire Jorge Eliécer Gaitán. Un demi-million de morts reposent, depuis, dans des fosses communes des campagnes et villes colombiennes. En se servant de la terreur et de la confusion, la direction politique bipartite colombienne a divisé et soumis le peuple colombien. Les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) ont surgit comme une réponse aux agressions armées de l’Etat contre les organisations agraires des colons de El Pato, Guayabero, Riochiquito et Marquetalia.

Expression des paysans, dépouillés séculairement de ses terres par des grands propriétaires terriens et des éleveurs (en 2005, 0.2% des propriétaires ruraux possédaient 65% des terres exploitables), les FARC, avec un programme agraire et révolutionnaire, suivant un parcours semé de réussites comme d’erreurs, sont devenues une force rebelle qui a signé des trêves, qui a fait des pas en avant concernant le dialogue pour la paix avec plusieurs dirigeants colombiens, tout en combattant l’armée Colombienne depuis des décennies.

Cinq candidats présidentiels ont été assassinés en Colombie entre 1987 et 1995 par des paramilitaires, ce qui n’est jamais arrivé dans d’autres pays du monde. 5.000 membres du parti Union Patriotique – fruit des accords de paix entre le gouvernement de Belisaro Betancur et les FARC en 1984 – ont été massacrés, parmi eux deux candidats présidentiels, des congressistes, députés, préfets et maires.

Pour justifier la non reconnaissance de la nature politique des forces révolutionnaires colombiennes, Uribe a signalé, lors de plusieurs forums internationaux, qu’en Colombie il n’y a pas de guerre, mais une « menace terroriste », incarnée par les FARC. Au même temps que le budget de guerre a augmenté en 2008 jusqu’à 22 210 milliards de Pesos (6.5% du PB).

Le conflit intérieur colombien n’a pas de solution militaire apparente. L’assassinat de Raúl Reyes et de 17 guérilleros des FARC en territoire équatorien, alors qu’ils dormaient, lors d’une attaque de l’armée Colombienne – avec de l’aide militaire et technologique des Etats-Unis – a déclenché une crise diplomatique latino-américaine et la rupture des relations de L’Equateur, le Venezuela et le Nicaragua avec la Colombie, compromettant ainsi la stabilité politique des régimes progressistes de la région.

Cette crise régionale n’aura pas d’issue ni de solution durable sinon à travers l’appui international envers la lutte du peuple colombien. Il est absolument nécessaire qu’une intervention diplomatique internationale fasse de la pression sur l’Etat colombien pour qu’il y ait lieu une concrétisation du dialogue de paix avec les FRAC. Le Mouvement National de Victimes de Crimes d’Etat a mené une marche très importante le 6 mars dernier, dans plus de 100 villes colombiennes et étrangères. Remémorant ainsi la mémoire des assassinés et disparus. Le mouvement s’est également déclaré solidaire avec les 4.000.000 de personnes déplacés à cause de cette tragédie. Il s’est également opposé à l’action militariste de l’Etat, exigeant la fin de la guerre et un dialogue politique qui puisse aboutir sur un accord de paix définitif.

Pensée libertaire

Le incessantes, massacres impunies d’agents de l’Etat et paramilitaires, la manipulation médiatique et la censure complice des médias ont rendu possible durant deux décennies l’autocensure des intellectuels et des artistes.

Quelques uns ont assumé leurs positions opportunistes ou sincèrement de droite. Autres se définissent comme « neutres » devant le conflit, convaincus du fait qu’il faut être critique vis-à-vis de l’Etat, de la gauche révolutionnaire et du mouvement paramilitaire « de la même façon ». Il y a eu également des exiles, des « inexiles » ou un mutisme persévérant, quand il ne s’agissait pas d’une complicité craintive avec ce qui a été Etabli par quelques un des « icônes » de l’intellectualité colombienne.

Deux rencontres nationales d’artistes et intellectuelles –en 2006 et en 2007- on laisser entrevoir un courant culturel qui souhaite un futur gouvernement du PDA, et ont diffusé des déclarations contre la politique de la terreur du régime, signées par des centaines d’artistes et intellectuels de 80 pays.

On a relancé le débat entre les positions divergentes intellectuelles et académiques et on a débuté la gestation d’un mouvement culturel pour la paix dans notre pays. Cette dynamique déchaina la colère de plusieurs courants de la droite dans les médias, et un processus de calomnies et délation de la part des para-intellectuels, à l’image de la guerre sale que vit le pays en ce qui concerne le domaine idéologique.

La rencontre des Intellectuels Populaires et de Gauche, qui a eu lieu à Quito, en novembre 2004 affirma : « le processus de rapprochement entre les intellectuels et la gauche doit se focaliser vers la création de ce que Gramsci appelait l’hégémonie, c’est-à-dire la construction d’une nouvelle culture éthico-politique qui mette les intérêts de l’ensemble de l’humanité au-dessus des intérêts matériels des groupes ou des classes, sous la direction des classes dominées, articulées au sein d’un nouveau bloc historique ».

Le rôle des artistes et des intellectuels est vital pour le développement de la lutte actuelle. Il est nécessaire d’employer une pensée systématique et une imagination créatrice, au service inconditionnel de la liberté d’expression, dans un pays intolérant.

Les forces démocratiques font appel à l’humanisme des artistes pour développer une révolution culturelle et une profonde transformation éducationnelle. La résistance culturelle est un devoir stratégique de la gauche colombienne.

La III Rencontre Nationale des Artistes et Intellectuels pour la Paix en Colombie (5 au 7 septembre 2007) fera appel à la solidarité de la communauté mondiale des artistes et intellectuels et réfléchira sur le besoin de créer un mouvement des peuples et gouvernements du monde, pour faire pression en faveur de l’abolition du cauchemar de la guerre en Colombie et dans la région sud-américaine, à travers la relance des dialogues entre l’Etat et les forces révolutionnaires, et à travers de la lutte du peuple colombien pour un pays démocratique, juste et pacifique.


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