Irak, la base des Etats-Unis pour éviter l’effondrement du dollar
dimanche 9 mars 2008 par CEPRID
Alberto Cruz CEPRID 9 - III - 08 Traduction : Danielle Bleitrach
Pourquoi y a-t-il eu accord sur la proposition de l’Iran et du Venezuela à l’OPEP au mois d’octobre 2007 d’ouvrir un large débat au sein de l’organisation sur la poursuite du paiement en dollar du baril de pétrole ? Ce que l’on avait souvent qualifié de bouffonnerie à partir des personnalités d’ Ahmadineyad y Chávez, aujourd’hui est mis à l’ordre du jour selon ce qu’a dit le président de l’organisation Chakib Khelil. C’est ce que va faire l’OPEP quand un des ses plus importants membres, l’Iran, a décidé de rompre avec tout commerce en dollar et de mettre en place sa propre bourse pétrolière. Et quand le Qatar a annoncé une réduction de sa bourse de réserve en dollars et son passage à une autre monnaie, comme l’euro. Et quand il est prévu que les Emirats Arabes fassent de même au mois de mai.
Avec un taux de change de 1’51 dollars pour un euro et une dépréciation constante face au yen, le dollar est au bord de l’effondrement. C’est une théorie qui est répétée depuis un certain temps(1), quoique ceci ne veut pas dire que nous sommes sur le seuil de la fin du système économique actuel ni dans l’antichambre d’une crise dans le centre névralgique de l’impérialisme. Mais si nous sommes face à un affaiblissement progressif des Etats-Unis et ceci provoque des ébranlements, à chaque fois très petits mais significatifs, dans ce qui est réellement important, la réduction progressive des réserves monétaires des différents pays en dollars (en ce moment 64,8% des réserves mondiales sont dans cette monnaie) et la fuite vers d’autres monnaies fortes comme l’euro et le yen. Ceci signifie moins de dollars en circulation et moins de financement de la dette externe, proche des 9 billions de dollars, des Etats-Unis. De fait le dollar comme principale devise dans le commerce international, et comme telle monnaie de réserve des banques centrales des différents pays a perdu quasiment 7 points depuis 1999, en passant de 71 % cette année-là à 64,8% actuellement, ce qui montre que chaque fois plus nombreux sont les pays qui réduisent leur dépendance par rapport à la monnaie centrale.
La clé de la fin du système, que nous connaissons aujourd’hui, est détenue par la Chine. Il est assez improbable que les Chinois se débarrassent de leurs excédents de collars (ils ont en ce moment 1,4 billions de dollars dans leurs réserve) et précipitent une dépression économique mondiale. Mais ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas commencé à commercer dans d’autres monnaies et en produits qui sont vitaus pour le fonctionnement du système économique actuel comme le pétrole. Ching Siwei, vice président du Comité permanent de l’assemblée populaire, a dit au mois de novembre dernier que la Chine » va réajuster et diversifier sa politique monétaire dans les transactions financières et économiques dans l’arène mondiale parce que nous sommes en faveur des monnaies fortes », en référence à la débilité du dollar.(2) Et comme un geste vaut échantillon, la Chine est en train d’acheter son pétrole à l’iran en euros, un pays qui apporte 13% des ressources énergétiques nécessaires de la Chine.
Pour autant pour sauver leur sang monétaire il reste aux Etats-Unis une bouée de sauvetage : l’irak. Obtenir la croissance de la production pétrolière de ce pays à n’importe quel coût , aboutir à la réintégration définitive dans l’OPEP à égaux droits que les autres membres- paralysé par l’ONU sous le gouvernement de Saddam Hussein comme conséquence de l’embargo auquel fut soumis ce pays – et surtout renforcer avec la présence iraquienne les saoudiens, de plus en plus soumis à la pression des autres pays membres du cartel pétrolier pour que la monnaie de transaction pétrolière ne soit plus seulement le dollar.
Quand Ahmanideyad et Chávez ont fait leur proposition, les Saoudiens furent les plus hostiles, non seulement à l’accepter, mais à la discuter et ils obtinrent qu’il fut à peine mentionné en annexe ce thème dans le document final du sommet de l’OPEP. Mais les faits sont têtus. Le maintien de l’alliance avec les Etats-Unis chaque fois leur coûte plus d’un point politique et économique. En Arabie saoudite les taux actuels d’inflation sont les plus hauts depuis 1980, autour de 7%. Dans les Emirats arabes unis l’inflation culmine à 9,3% (3). La cause n’est rien d’autre que la débilité du dollar, ce sont des économies totalement dollarisées. Ce qui a incité les saoudiens à donner finalement leur accord forcé et à accepter que la discussion sur le dollar telle que l’ont proposé l’Iran et le Venezuela soit à l’ordre du jour.
La « normalisation » de l’Irak
Comment les Etats-Unis agissent pour aboutir ? . Premièrement, en imposant la présence du collaborationniste ministre du pétrole irakien Hussein al-Sharistani, à toutes les réunions préparatoires du nouveau sommet de l’OPEP. Secondement, en faisant pression pour que soit approuvée définitivement la loi du pétrole irakien qui laissera dans les mains des multinationales étasuniennes ce secteur stratégique. Troisièmement , Bush en faisant une tournée dans la zone, tournée qui n’avait rien de pacifique comme le dirent les médias de masse – même si Israêl n’a pas eu carte blanche pour réaliser un holocauste contre les Palestiniens, comme les en menaçaient les Israèliens- mais pour menacer directement les pays du Golfe s’ils voulaient changer de monnaie de réserve. Quatrièmement, ils ont fait pression sur ces pays pour qu’ils n’établissent pas de relations commerciales avec l’iran dans ces moments où le pays perse est en train de mettre en marche sa bourse de pétrole qui ne commercera pas en dollars mais en euros. Le collaborateur al-Sharistari n’a pas été placé en tête de liste par hasard. Il est la friandise que Bush dépose sur la table face au reste du monde. D’abord parce al-Sharistani a dans les mains la signature des contrats qui vont distribuer les énormes réserves pétrolifères que compte l’irak ? ce pays arabe a des réserves au moins similaires à celles de l’Arabie Saoudite, et même il y a des experts pour penser qu’elles sont supérieurs, et ceci sans compter les réserves de gaz. Il y a cinq champs principaux Kirkuk (au Kurdistan), Majoon (la frontière avec l’Iran), Quna (dans le sud, dans la zone de Bassora, aussi à la frontière avec l’iran) et Zubair (au sud est) où l’on estime qu’il ya mille millions de barils de pétrole. Données dont on ne peut s’abstraire pour comprendre, comme l’a dit dans ses mémoires Alan Greenspan, l’ancien responsable de La Réserve fédérale des Etats-Unis : « la guerre en Irak a été faite en grande partie pour le pétrole »
La présence du ministre du pétrole irakien dans les réunions préparatoires du sommet de l’OPEP va parallèlement avec les efforts du gouvernement Bush pour vendre au monde que la situation en Irak est en train d’être « normalisée »sur le plan militaire comme politique. Une fiction comme toujours mais avec l’appui enthousiaste de certains moyens de communication de masses convertis en troupes de choc. A partir de ce que les Etats-Unis ont acheté, littéralement, une part de l’insurrection irakienne avec la création de la milice « réveil » - qui affronte les insurgés et sert de bouclier au soldat occupant- n’a pas réussi à faire régner le calme dans le secteur contrôlé par Muqtada al Sader où se maintient une grande capacité de feu de l’armée du Mahdi et dans d’autres secteurs de la guérilla sunnite qui harcèlent les collaborateurs et les occupants. Dans la même année où s’est développé la stratégie « normalisatrice » les actions armées se sont maintenues pratiquement sur tout le territoire non seulement contre les soldats occupants mais contre les mercenaires – entreprises de sécurité privées- et les collaborateurs.
Cependant, si l’on cherchait un acquis pour la stratégie étasunienne on pourrait noter que les attentats contre les oléoducs ont connu une notable réduction dans les derniers mois et ceci fait que la production iraquienne est en ce moment aux alentours de 2’4 millions de barils journaliers, le niveau le plus élevé depuis l’invasion du pays arabe dans ces cinq dernières années.
Les Etats-Unis sont très proches de remplir leur but énergétique il avait été prévu de terminer 2007 avec une production de 2’8 millions de baril jour en Irak (4) et ils atteignent 2’4. Aujourd’hui leur projets sont un peu plus modestes pour 2008, arriver aux 2’6 millions alors que leur objectif était de réaliser ni plus ni moins que6 millions de barils jour ! dans les prochaines quatre année, selon ce qu’avait dit le ministre du pétrole iraquien dans un interview au quotidien britannique The Times (5). Ceci permettrait aux Etats-Unis de détruire l’OPEP de l’intérieur. Les Etats-Unis le payent « juste » 30 dollars. Un chiffre qui ne prend pas en compte un fait important, et c’est que le coût n’est pas le même dans l’extraction de un baril en Arabie saoudite ou en Irak, pour prendre les cas les moins chers, ou au Venezuela et en Iran pour prendre les plus chers. Dans ce dernier pays le coût du baril se situe autour de 15 dollar, le gain de 1 à 6 dans le cas saoudien (qui s’avère de l’extraction jusqu’à la commercialisation être le pétrole le plus facile à trouver, le meilleur marché à produire et de grande qualité) se réduit à 1 à 2 dans le cas iranien puisque son pétrole ne se compare pas avec le bon-beau-bon marché des Saoudiens et iraquiens.
Le 24 janvier dernier , al-Sharistani s’est réuni à Amman, la capitale jordanienne, avec les principales multinationales pétrolifères pour discuter « contrats d’assistance techniques », c’est-à-dire, se repartir les champs pétroliers entre elles une fois que sera approuvée par le parlement la loi sur les Pétroles. Devinez avec qui eut lieu la première réunion ? la Exxon-Mobil, la même qui a présenté sa demande contr le Venezuela pour la nationalisation en 2007, des champs de la ceinture de l’orinoque. S’il y a du crédit à accorder au journal qui rapporte que le contrat sera signé durant ce mois de mars. Et pour que ces contrats soient assurés et exécutables, les Etats-Unis doivent maintenir de manière permanente un contingent de troupe en Irak.
L’opposition iraquienne
Al-Sharistani est en train de jouer le jeu que désirent les Etats-Unis, mais pas celui que veut l’immense majorité des ses compatriotes. Selon les enquêtes des propres médias collaborateurs 70% des Irakiens sont contre ce qu’ils considèrent comme un viol de la souveraineté nationale. C’est même la seule unité aujourd’hui entre les différents secteurs.
Dans ces moments il y a une évolution dans les alliances entre les différentes forces politiques, spécialement entre les kurdes et les sunnites, aussi entre les chiites. L’accord entre l’Union Patriotique du Kurdistan, le parti démocratique du Kurdistan et le Parti Islamique Irakien (sunnite) refuse la stratégie de division entretenue par les Etats-Unis pour proposer de fédéraliser le pays, c’est là dessus aussi qu’il y a accors avec le Conseil Suprême de la révolution islamique (chiite) , qui a réclamé de manière expresse la création d’une « région autonome dans les provinces de Nasseriya, Amarah et Najaf et d’autres zones dans le Bagdad meridional comme Diwaniyah, Samawa y Kut”.
Seule une partie de la guérilla contre l’occupation et les forces de Muqtada al-Sáder s’opposent à la fédéralisation de l’irak, mais le pays est plus divisé que jamais et ceci laisse les mains libre à la stratégie impérialiste. Alberto Cruz
(1) “Veinte céntimos” http://www.rebelion.org/noticia.php ?id=44199
(2) Diario del Pueblo, 8 de noviembre de 2007.
(3) Al Jazeera, 25 de febrero de 2008.
(4) “No es Iraq, es Venezuela” http://www.rebelion.org/noticia.php ?id=39775
(5) The Times, 8 de febrero de 2008.
CEPRID
Articles de cet auteur
- Cumbre de los BRICS : un paso crucial hacia el multilateralismo
- La plataforma de intermediación comercial de China y la desdolarización
- Un mensaje de los BRICS reunidos en Rusia : "adiós Bretton Woods, nosotros gestionamos nuestro dinero"
- Los BRICS en Kazán 2024 : ¿Una semilla hacia un mundo nuevo ?
- La cumbre de los BRICS debería marcar el fin de los delirios neoconservadores
- [...]