3ème Commission civile

internationale dobservation des droits humains au Chiapas

 

Entrevue de Barbara ZAMORA (le 16 février 2002)

 

Informations personnelles : Conseillère de l’EZLN pendant les Accords de San Andrés, elle est avocate du cabinet Tierra y Libertad et était la collaboratrice de Digna Ochoa.

Problématique des prisonniers

Il existe de nombreux prisonniers politiques bien que le gouvernement ne veuille pas le reconnaître.

Dans le Queretaro, il y a des prisonniers qui figuraient déjà sur la liste de l’EZLN et sont enfermés depuis maintenant 5 ans. Ils sont accusés de l’attaque d’un bus officiel, à une date à laquelle ils ne se trouvaient pas sur place. A cette accusation se sont ajoutés postérieurement deux délits de vol et de destruction de la propriété d’autrui, accusations pour lesquelles il n’existe pas de sentence. Le reste (des prisonniers) n’a plus aucun recours. Seul Géronimo a pu changer d’avocate et se trouve face au dernier recours de la procédure de protection (amparo *), présenté la semaine dernière. Dans ce cas précis, il importe de signaler l’attitude du gouverneur dont l’idée fixe est d’empêcher que la liberté soit rendue aux prisonniers, comme il l’a déclaré publiquement, et qui emploie pour cela tous les moyens à sa portée pour faire pression sur le pouvoir judiciaire local. Ce dernier recours doit être résolu par le pouvoir judiciaire fédéral dont on espère davantage d’imparcialité.

Hermanos Cerezo Contreras. En août dernier, cinq personnes ont été arrêtées et accusées de terrorisme pour avoir jeté des pétards dans des distributeurs Banamex. L’un d’entre eux, Sergio Galicia a un autre avocat. Les autres détenus sont trois frères et Pablo Alvarado. Il n’existe aucune preuve contre eux. Alors qu'ils étaient déjà en prison, leur liberté a été prononcée, mais on les a accusé de terrorisme et de délinquance organisée. C’est pourquoi ils ont ensuite été transférés à la prison de haute sécurité de Amboloya, où les avocats ne peuvent introduire ni stylos ni papier et doivent faire leur travail de mémoire. Tous les entretiens sont enregistrés, les audiences ont lieu à l’intérieur de la prison et ne sont pas publiques ce qui va à l’encontre de la loi. Ni les familles ni les amis des détenus ne peuvent y pénétrer. L’attitude du juge, qui fait obstacle à l’usage de matériel et exige des délais très courts, est très rigide. Il a refusé que les audiences se déroulent hors de la prison bien que la culpabilité des détenus n’ait pas été démontrée et que la loi stipule que les audiences doivent avoir lieu au tribunal. Il s’agit du premier procès du procureur qui ne veut pas reconnaître ses erreurs. L’accusation multiplie les accusations contre les détenus en présentant de fausses preuves et en commettant toutes sortes d’irrégularités (comme l’irruption dans la maison de Cerezo avec un mandat de perquisition de la maison voisine). La défense est disposée à porter l’affaire devant les tribunaux internationaux. Pendant ce temps la famille de Cerezo subit des menaces de mort par téléphone et de multiples pressions. Cette situation traduit le retour à la guerre sale, avec l’invention de délits contre les personnes.

Torture On signale plusieurs cas de torture commise avant les procès. Aux violations des Droits Humains exercées sur les détenus s’ajoute le fait que les juges ne reconnaissent pas la nullité des déclarations obtenues sous la torture. Les cas de torture sont en augmentation. Une solution possible consisterait à former les juges afin de développer la valorisation de la législation internationale.

Terrorisme Actuellement, la tactique de criminalisation des mouvements sociaux consistant à les présenter comme des terroristes est utilisée. L’ONU a modifié sa définition du terrorisme en l’élargissant de sorte qu’un plus grand nombre d’organisations est aujourd’hui concerné. Il est à craindre que l’EZLN soit bientôt considérée comme une organisation terroriste.

L'ASSASSINAT de Digna Ochoa

Il existe peu d’informations sur son assassinat. Les Autorités judiciaires gardent le silence. Les personnes qui enquêtaient sur son cas ont été remplacées et le Centre Agustin Pro mène une contre-enquête. Les parents de Digna Ochoa ont demandé à Tierra y Libertad de mener des recherches.

Il apparaît que les assassins sont des militaires relevés de leur fonctions, bien qu’il n’y ait pas une piste unique. En général les enquêtes sont accusées de lenteur, ce qui conduit à une perte d’indices. Il est prévu qu’un comité ou une personne aille contrôler l’avancement de l’enquête, mais cela n’a pas été le cas.

Depuis la mort de Digna, d’autres défenseurs des Droits Humains ont subi des menaces. La Cour Interaméricaine de Justice a demandé que des mesures telles que la surveillance de leurs bureaux soient prises, mais celles-ci n’ont pas été appliquées car Barbara Zamora devrait signer un document confirmant qu’elle a reçu l’argent nécessaire à l’achat d’un équipement de sécurité et à son installation, ce qui est faux et pose un problème, car c'est le gouvernement qui doit le faire.

Par ailleurs, Barbara Zamora craint que ce document puisse être utilisé contre elle pour la discréditer et nuire à son indépendance. Bien qu’il ait été plusieurs fois question de modifier ce point, les cinq projets présentés à Barbara continuaient de le mentionner. Il s’agit de mesures d’urgence mais les mois ont passé et elles n’ont pas été appliquées.

Problématique des terres La situation s’est tendue à partir de 1992 quand Salinas a mis en place la réforme de l’article 27, annulant le droit à la possession de terres par les ejidos . A cela s’ajoute le fait que le Ministère de l’agriculture vient d’annoncer l’obligation d’établir des titres de propriété pour tous les ejidos. Le gouvernement est disposé à prêter l’argent pour l’enregistrement et l’achat des terres, mais cela n’est pas suffisant.

Dans ces conditions les terres d’ejido sont désormais l’objet de ventes et d’achats, alors qu’auparavant ces terres ne pouvaient ni être vendues ni faire l’objet de spéculations. Le programme PROCEDE de certification et de privatisation de terres a été mis en place, qui établit des titres de propriété pour les parcelles. La création de ce programme suppose la possibilité de vendre les terres, ce qui implique la destruction des ejidos, la perte de l’assemblée et des décisions collectives et sociales et la possibilité d’expropriations pour réaliser des mégaprojets (Plan Puebla-Panama). De nombreux ejidos s’y refusent mais se voient contraints d’accepter pour continuer à recevoir les aides à la parcelle (PROCAMPO) et les aides à la famille (PROGRESA).

En conséquence de ces mesures certaines terres occupées depuis 1994 ont été évacuées, avec la bénédiction du gouverneur Salazar.

Par ailleurs des affrontements ont lieu au sein des communautés, car tous les membres ne se voient pas appliquer les mêmes barèmes bien qu’ils se trouvent dans la même situation.

La réforme indigène détériore la situation, en revenant sur des droits acquis. L’article 27 de la Constitution reconnaissait les terres des ejidos, ce qu’annule la réforme puisque les communautés ont désormais le droit à l’exploitation et à l’usufruit des terres mais n’en sont plus propriétaires.

Un autre recul dans les droits des populations indigènes lié à la réforme réside dans le fait que celles-ci ne peuvent plus élire leurs représentants selon leurs us et coutumes.

Note *

Amparo : Le "jugement d'amparo" est l'une des garanties offerte par la justice constitutionnelle mexicaine. Le champ dans lequel peut intervenir le "jugement d'amparo" est établi par l'article 103 de la Constitution qui précise dans quels cas les tribunaux de la Fédération doivent intervenir sur toute controverse suscitée par des lois ou des actes émanant des autorités qui violeraient les garanties individuelles offertes par la constitution mexicaine. Cette procédure est déclenchée à la suite du dépôt d'une plainte par une partie lésée, la sentence n'a qu'une application restreinte, limitée à la personne qui a sollicité protection et à la matière dont il s'agit, sans qu'intervienne aucune déclaration concernant la loi ou l'acte qui ont motivé la procédure. La propriété des ejidos : est le résultat de la révolution de 1910. L’obtention de terres était possible au terme d’une sollicitation collective issue de 20 familles sans terre. Ces terres ne leur appartenaient pas mais leur étaient données en dotation. La propriété communale est celle qui est reconnue aux groupes indigènes depuis la conquête espagnole. Certaines communautés l’ont conservée et il est possible de la légaliser à partir de titres royaux des XVII et XVIII siècles. La différence juridique entre ces deux types de propriété réside dans le fait qu’avec la modification de l’article 27 les terres d’ejido ne sont plus inaliénables. Avec l’obligation d’établir des titres de propriété tout se passe comme si les deux types de possession de la terre étaient équivalents, bien que dans la pratique il existe davantage de possibilités de défendre les terres comunales. En raison des difficultées rencontrées par les indiens pour connaître les modifications légales et s’en protéger, il n’y a pas de recours en justice faute de moyens et d’une réelle prise de conscience.

 

http://www.zapata.com/cciodh3/article-cciodh3-63.html